TURN LEFT

Rose. Il vit dans un monde de rose. Vêtements, maquillage, tapisserie et objets. Tout est rose. C'est probablement le premier souvenir que Clyde possède. Sa soeur qui se pavane dans la maison, une robe de princesse rose avec un baguette magique rose, un tiare rose et un surplus de maquillage rose sur les joues. Clyde voit encore ses cheveux blonds s'étaler sur la matière de la robe comme si c'était hier. Une vie entouré de rose parce qu'il est le seul garçon dans la maison. Sa soeur n'avait qu'un an et il n'en avait que 5 quand leur père a été percuté par ce camion, l'envoyant dans le lac plus bas. Aucune chance de survie, le corps n'a pas été retrouvé. Il revoit encore par moment un sourire doux, une barbe piquante et des yeux si semblables au sien. Sa mère ne s'en est jamais remise. Elle a longtemps pensé qu'il n'était pas mort. Jusqu'à ce que la révélation, au bout de dix ans se fasse. Aujourd'hui, il vit encore dans le doute de sa mère. Clyde l'entend pleurer de sa chambre et s'empresse de quitter son lit pour la consoler. Il n'a que 8 ans mais il comprend le chagrin que subit sa mère. A l'école, les élèves lui demandent toujours pourquoi son père ne vient jamais aux réunions, ni aux kermesses. Il répond toujours la même chose. Mon papa, il est pas là. Mais il va revenir bientôt. Au fond de lui, il veut y croire. La volonté d'un enfant est plus grande que n'importe laquelle et elle brûle dans son coeur. En serrant le corps de sa mère contre le sien, les larmes glissent sur ses joues alors qu'il ne se retient plus. Clyde, tu dois être fort maintenant. Tu es l'homme de la maison et Phoebe a besoin de toi. Ton père l'aurait voulu. Des regards embués, un baiser sur le front et le voilà prêt à endosser ce rôle de chef de famille trop tôt. Ce poids qui pèse sur ses épaules tandis qu'il rejoint sa chambre, passant par celle de Phoebe. La petite dort paisiblement, sa licorne rose posé à côté de ses longs cheveux blonds. Clyde aperçoit l'histoire qu'il lui a écrit pour dormir à son chevet et le brun sourit doucement. Il s'assoit à ses côtés et embrasse son front comme sa mère avant. Je te protégerai Phoebe. Toujours.

Timide et renfermé, l'adolescent qu'il est devenu se cache derrière ses livres. Directeur du journal du lycée et membre du groupe de lecture, il est souvent comparé au rat de bibliothèque derrière ses lunettes à la Harry Potter, toute ronde et fragile. Ça ne lui réussit pas mais il s'en contrefiche. Il n'a pas besoin de la popularité et des regards envieux pour savoir ce qu'il vaut et ce qu'il veut. Il écrit encore des histoires mais Phoebe ne les lit plus ou peu. Son seul intérêt est pour les garçons. Toujours les garçons. N'y a t'il pas un autre sujet qui existe pour les filles de 13 ans ? Il s'attendait à la voir fan de boyz band et non pas de réels garçons, ceux qui n'ont rien dans la tête. Sa petite blonde toute rose. Qu'est elle devenue ? A la maison, c'est à peine si elle s'adresse à leur mère et à lui, prétextant des soirées ou des sorties. Supposons que leur mère réagisse, ça ne sert à rien, le regard dédaigneux qu'elle lance ne les aide pas. Et leur mère n'est qu'une ombre. Si Clyde ne l'aidait pas, il se doute qu'elle aurait depuis longtemps abandonné le combat. Il aime tendrement sa mère, plus fort que quiconque au monde et sa blessure le touche aussi. Grandir sans figure paternel a été dur pour lui. Une large blessure qu'il garde en lui, ne l'ébruitant que si cela était nécessaire. Vivre sans lui, ça a été dur. Plus dur qu'il ne le pensait. Mais au final, il a apprit à se dire que rien ne vaudra l'amour de leur mère. Alors il donne tout l'amour qu'il peut, compensant pour le manque de discipline de Phoebe.
Clyde... Clyde, viens me chercher, je t'en supplie... Ils m'ont... Bip. Le téléphone a raccroché tout comme le coeur de Clyde vient de s'arrêter. Attrapant ses clés, il conduit comme un fou jusqu'à la fête où elle doit être. La peur au ventre. Il ne peut pas la perdre elle aussi. Il a aujourd'hui 22 ans. Aucune copine, pas d'aventures, rien. Mais sa soeur fait tout pour lui à ce niveau là. Enchainant fête sur fête et copain sur copain. Oubliant sa famille. Il roule toujours plus vite. Se garant finalement devant la maison où la musique semble sortir des murs, Clyde sort en courant pour apercevoir sa soeur allongée dans les bras d'une jeune femme. Son souffle se coupe tandis qu'il accourt vers elle, prenant son pouls instinctivement, ne relevant pas la femme qui soutient Phoebe. Soupirant d'aise en le sentant, Clyde embrasse le front de sa jeune soeur endormi. Le brun a eu tellement peur. Un toussotement le ramène à la réalité et il relève la tête pour croiser le regard de la jeune fille. Et Clyde rougit car elle est bien plus belle que ce qu'il ne croyait au départ. Elle lui sourit et il tente un sourire plus discret, en coin, qui ressemble plus à une grimace qu'autre chose. Clyde ne sait pas comment s'y prendre avec les femmes. Et la jeune femme sous ses yeux est de loin la plus belle qu'il ait vu de toute sa vie. C'est ta soeur ? Elle n'arrêtait pas de parler d'un Clyde et comme je t'ai vu arriver en courant, j'ai supposée que c'était toi. Les gars qui l'ont drogués, ils dorment dans un coin, je les ai assommée avec une pelle quand ils ont essayés de l'emmener. Me remercie pas, c'est normal. Je suis Casey. Enchantée, Clyde. Et tandis qu'il soulève sa soeur précautionneusement sur ses épaules, il serre la main de la jeune femme aux yeux de chats qui le brûlent. Une pression sur la main et Casey l'approche un peu plus d'elle, Clyde déglutissant rapidement. Il n'a jamais été aussi près d'une femme de toute sa vie, outre sa mère. Mon numéro est dans le téléphone de ta soeur, on se connait bien. J'attend un appel de ta part bientôt. Et sur un clin d'oeil, elle l'embrasse sur la joue, un peu trop près de ses lèvres et retourne vers la fête, un sourire en coin. Bouche bée, Clyde n'a pas pu dire un seul mot. Mais il sourit en retour, sans qu'elle ne puisse le voir. Jolie Casey qui allait devenir l'élément déclencheur de son changement.


[size=11]Fascinant comme une ouverture d'esprit a pu changer quelque peu sa façon d'être. Casey lui a tout appris en amour. Tout comme dans ses relations physiques avec les femmes. Casey lui a tout fait faire, ou presque tout. Et grâce à elle, il n'est plus le timide garçon qui rougit trop et qui bégaie souvent. Clyde a 25 ans maintenant, professeur de lettres dans un petit lycée comme il l'a toujours voulu et heureux. Phoebe n'est plus la petite peste qu'elle était avant mais elle s'est reprise en main et le brun l'a soutient dans tout ses choix. Leur mère a fini par reprendre un peu du poil de la bête. Et Casey et lui filent le parfait amour. Enfin, il le croyait. Jusqu'à ce qu'il découvre un jour ce mot sur son oreiller. J'aurai du te le dire avant mais je n'en avais pas le courage. Je pars pour l'Italie et je ne reviendrais pas. Je suis désolée mais je ne pouvais pas supporter de voir ton visage assombri. N'oublie pas ce que je t'ai appris car je n'oublierai pas ce que tu m'as offert. Je ne t'oublierai pas. XOXO Casey Il a eu mal. Et ça serait idiot de mentir. Il a eu vraiment mal. Mais dans le fond, Clyde sait qu'ils n'étaient pas fait l'un pour l'autre. Elle désirait trop partir vers l'aventure et il voulait rester dans ses origines. Mais tout Seattle lui rappelle Casey. Alors il est parti. Sur un coup de tête à New York, il a emménagé complètement. Pour recommencer et voir autrement. Voir comme Casey voit le monde.
28 ans. Le théâtre comme seconde passion et une soudaine envie de tenter quelque chose qui change. Quelque chose qui lui plait et s'investir un peu plus. Même si ça ne lui ressemble pas, Clyde en a envie. Il est encore jeune et le brun veut découvrir l'envers du décor, ce qui se cache derrière les mises en scènes et les performances des acteurs. Et ça peaufinera toujours son CV. Il est entré sans se douter des conséquences. Sans se douter que la jolie femme en face de lui allait changer toute son histoire. Megara Rhodes. Ou Weaver plutôt. Peu importe. La jolie brunette au talent indéniable l'a hypnotisée. Par ses mimiques, ses regards et son jeu. Par son rire, sa voix et ses expressions. Il l'a appréciée bien avant qu'elle ne fasse attention à lui. Clyde veut la connaitre encore plus. Quelques années auparavant, il n'aurait jamais fait le premier pas. Et le brun l'a invité au restaurant en pensant bien recevoir un refus mais il a été agréablement surpris. Clyde lui sourit pendant qu'il l'écoute parler durant le repas, écoutant ses problèmes, ses joies, ses rires et ses pleurs. Il rit avec elle et s'aperçoit soudain de la gêne qui s'infiltre dans les pupilles dilatés par l'alcool de sa compagne. Elle s'excuse et prend la fuite rapidement. Attends, Megara ! Mais la jeune femme est trop loin pour l'entendre. Il sourit et reprend place à table pour terminer son dessert entouré de crème anglaise. Douce Megara qui emplit son esprit plus le temps passe.
29 ans et des envies insatisfaites. Bientôt 30 ans et aucun enfant, ni femme à ses côtés. La honte pour ses grands-parents paternels qui accueille la grossesse de Phoebe avec joie. Il est l'homme et il aurait du trouver une compagne à cette période de sa vie. Si seulement il savait qu'un rien, un simple évènement l'empêche d'accomplir ce simple fait. Car ses sentiments pour Megara sont confus et simples à la fois. Il l'adore mais il ne peut pas aller plus loin. Clyde voudrait la serrer dans ses bras mais c'est impossible. Elle est la pièce ultime qu'il ne pourra jamais avoir, simplement l'acclamer de loin. Même si les regards éloquents de la jeune fille par moment lui donnent envie de tout tenter. Rien qu'une simple approche vers un futur incertain. Un pas vers la brune qui hante ses rêves depuis quelques mois. Un amour qui commence à se faire trop lourd. A sens unique. Sans retour possible. Les effleurements de mains sont les seuls compensations qu'il se permet, profitant de l'éclair de chaleur que cela lui procure. Car il a fini par s’accommoder au fait qu'il ressentait plus que de l'amitié pour elle. Et que sans elle, il serait probablement bien loin de ressentir cette joie en lui.


Accident. Fatal et douloureux. Son visage si doux barré par ses tubes et ses pansements. Clyde ne connait pas la cause de sa promenade si tard sur les routes. Mais le brun souffre. Autant qu'elle, si ce n'est plus, de la voir allongée sans mouvements. De ne plus voir ce doux sourire éclairer son visage. De ne plus voir la lueur dans ses yeux. Il effleure son front doucement tandis que Clyde repart, les larmes aux yeux. Sa douce Megara si fragile à cet instant. Clyde s'appuie contre la porte de la chambre et se laisse aller contre celle-ci. La réalité est souvent dur à accepter. Encore plus quand celle-ci est bien trop douloureuse à accepter. Il ne comprend pas. Mais ce qu'il sait, c'est qu'il viendra toujours la voir. Clyde veillera sur elle chaque jour jusqu'à ce qu'elle finisse par revenir. Et trois longs mois après, aucun changement. Trois longs mois où le brun a tenu sa main, fortement et sans jamais faillir. Espérant intérieurement que cela changerait les choses. Car il ne doute plus lui. Clyde l'aime. Mais osera t'il lui dire ? Comptant se rendre à l'hôpital à nouveau, une infirmière le stoppe devant la porte, un air à la fois gêné et confus. Monsieur Winslaw. J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Asseyez vous s'il vous plait. Le coeur battant, Clyde prend place sur les bancs à en face de la chambre, ses mains posés à plat sur ses genoux. Voilà... Madame Weaver vient tout juste de se réveiller. Cependant, elle a subi un choc qui a effacé les trois dernières années de sa vie. En citant votre nom, elle n'a pas eu l'air de comprendre. J'en suis vraiment désolée. Le coeur rate un battement, les mains se crispent sur les genoux, la gorge se fait sèche et son corps se crispe. L'infirmière pose la main sur son épaule et se dirige vers la chambre qui était devenu son purgatoire depuis 3 mois. Vers cette chambre où la femme qu'il aime l'a oubliée. Il a envie de crier mais sa voix est bloqué. Clyde a envie de pleurer mais ses yeux sont vides. Le brun a envie de courir mais ses jambes ne répondent pas. Le brun fixe la porte, comme absent. Un coup fatal porté à son coeur. Il souffre et son visage ne doit renvoyer que l'expression défaite de cette nouvelle. Sa Megara, sa douce Megara l'a oubliée. Fini leurs conversations par sms jusqu'à point d'heure. Fini les rires et les regards complices. Fini la tension entre eux deux. Plus rien n'est comme avant. Et en apercevant la famille qui se précipite dans la chambre, Clyde sait qu'il n'a plus sa place. Ses jambes finissent par lui répondre et il prend le chemin de la sortie, croisant les membres de la famille. Ceux qu'il connait, ceux qui lui sont inconnus. Et lui, son rival qui ne le connait même pas et qui ne lui lance pas un regard. Les ayant tous dépassé, son poing atterrit contre le mur sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, attirant le regard des infirmières sur lui. Quittant l'endroit, Clyde a mal. Il a trop espéré voir quelque chose qu'il se doutait impossible. Depuis toujours, le brun croit en des choses inimaginables. Son père n'est jamais revenu. La tombe est toujours fleuri chaque mois par ses soins. Megara qui ne souvient pas. Les regards compatissants des acteurs qui comprennent ce qu'il ressent mais ne disent rien. Et en rentrant chaque soir chez lui, il regarde son téléphone avant de s'endormir. Espérant un signe qu'elle commence à se rappeler de leur complicité passé. Sans jamais voir ses voeux se réaliser.